dimanche 15 février 2015

Le geste cinématographique


Ce dimanche soir à 20.00, au local B9 de l'école supérieure des arts Saint-Luc à Liège, Patrick Leboutte exposera sa vision du 7e art lors d'une rencontre dédiée au "geste cinématographique". Critique, marcheur, enseignant, pilier des Rencontres de Laignes, Patrick Leboutte est également l'éditeur du Geste cinématographique (aux éditions Montparnasse), indispensable collection où l'on retrouve pêle-mêle les films de Jean Rouch, Jean-Louis Comolli, Robert Flaherty, Rithy Panh, Fernand Deligny, Denis Gheerbrant, et bien d'autres.

Voici comment l'intéressé présente son intervention : 

" Partir, au plus loin comme au plus proche, enregistrer d'autres gestes, d'autres corps, d'autres décors, d'autres savoirs, puis revenir ensuite pour transmettre cette expérience du monde aux spectateurs : ce mouvement définit traditionnellement la vocation du cinéma documentaire, art de rendre compte de la réalité à partir de la réalité même, sans artifices. Pour ma part, j'attends davantage du cinéma : qu'il ne se contente pas de filmer le monde tel qu'il serait, mais qu'il fasse voir au-delà; qu'il ne l'entérine pas, qu'il ne s'en contente pas, mais qu'il l'interroge, l'interprète, le mette en forme, le reconstruise, m'offrant de me situer personnellement face à lui. La vérité documentaire tient dans ce geste-là, elle est la vérité du cinéma : art de faire apparaître ce que nul encore n'avait perçu, expression de la relation particulière qui lie un cinéaste au monde, un monde toujours à constituer, au départ de soi, comme on le voit, comme on se voit ". (Patrick Leboutte)

On en profite pour mentionner l'excellent blog de JC Tatum Le vieux monde qui n'en finit pas, blog sur lequel viennent d'être publiés les films préférés en 2014 par Patrick Leboutte, blog qu'on explorera par ailleurs avec grand profit.

En attendant, et en guise d'apéritif pour ce soir, voici le texte de Patrick Leboutte, adressé donc à JC Tatum : 

" Cher JC,
Qu’elle est difficile, ta question: nos films de l’année. Comment y répondre quand comme toi (du côté d’Allaire) ou comme moi, à Liège, pareillement otages des monopoles locaux, quand bien même se rhabilleraient-ils "art et essai", on ne voit plus rien. La voilà, la vraie question: comment fait-on pour vivre dans la nuit, dans l’obscurité, à l'entrée d’un tunnel provisoirement sans fin, dont je crains qu’à nos âges, nous ne puissions espérer voir le terme, nous qui venons du cinéma, des trois lumières, l’image, les corps, les sons ? Un de tes contributeurs a parlé récemment d’ébranlement. Il avait raison. À quel moment, dans quel film, même venu de nulle part, une forme cinématographique a-t-elle rencontré mes propres interrogations, mes inquiétudes, ma situation dans ce monde-ci ? Voici la liste des films qui m’ont "ébranlé" cette année, sans commentaires, à tes lecteurs de se renseigner.

1. Feng ai [À la folie], Wang Bing (Chine, 2013)
2. Coffret Epstein, « Poèmes bretons » (1928-1948) (Éditions Potemkine)
3. La corde du diable, Sophie Bruneau (Belgique, 2014)
4. Les tourmentes, Pierre-Yves Vandeweerd (France-Belgique, 2014)
5. L’art de s’égarer, Boris Lehman (Belgique, 2012)
6. P’tit Quinquin, Bruno Dumont (France, 2014)
7. Juste avant la guerre, Yvan Petit (France, 2014)
8. L’œil du cyclope, Jen Debauche (Belgique, 2014)
et Rond est le monde, Olivier Dekegel (Belgique, 2014)
9. Films de mes amis, parce que notre histoire est sans fin: On a rêvé, Denis Gheeerbrant, 2014 ~ Se battre, Jean-Pierre Duret et Andrea Santana, 2014 ~ Le Pédalogue, Alain et Washtie Comte (série en cours depuis quinze ans) ~ Pas son genre, Lucas Belvaux, 2013
10. « Pour la suite du monde » : Marianne Amaré, travaux en cours, 2015, 2016, 2017...
~
Et par ailleurs, picorés cette année dans l'histoire du cinéma

Der Neue Schreibtisch (Le nouveau bureau), Karl Valentin, 1914
(hommage à David Legrand, artiste, ma rencontre cinématographique de l'année)
Day of the Outlaw (La chevauchée des bannis), André de Toth, 1959
(hommage au Cercle du Laveu, la plus belle salle de Liège,
un cinéma Nova mosan en puissance, puissent-ils se le dire...)
Matti da slegare (Fous à délier), Marco Bellocchio and co, 1975
(Hommage à Matthias Chouquer et Théodora Olivi, âmes damnées du cinéma Eldorado de Dijon,
la meilleure salle de France, c'est évident)
Un beau jardin, par exemple, Jean-Pierre Duret, 1986
(Hommage à mes grands-parents, eux d'où je viens)

 PS pour mes amis découvrant ce mail : voir le blog ..."

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