mercredi 19 février 2014

Le peintre (2)


Ta famille n'a pas toujours vécu à la grande ville. Les générations te précédant ont connu les ombrages de forêts immenses, plus loin à l'Est. Au moins depuis le 12e siècle, il y eut des seigneurs et chevaliers rebelles, une répression et leur château détruit par les flammes, tous les ingrédients d'une geste héroïque. Ton nom d'ailleurs évoquait paraît-il un rocher situé sur un sommet entre Trèves et Coblence, axe du monde pour une lignée bientôt chassée de son territoire originel. Parvenus à la cité où tu as grandi, tes aïeux n'avaient plus ni terres, ni titres. Mais on n'efface pas une telle histoire, on la revendique. Envieux de ce passé nobiliaire, fanfaron carriériste, tu as tout entrepris pour restaurer l’ancienne splendeur de ton sang. A ta décharge, ton époque découvre l'Individu, tandis que l'Art commence à se repaître d'égo. Mais quand même, ce blason ridicule que tu apposes sur tes œuvres comme un enfant voulant épater la galerie avec des blagues qu'il ne comprend pas... "d’argent à deux pals de gueules, avec un heaume non couronné, un bourlet et des lambrequins de gueules et d’argent. Le cimier présente une tête de lion entre un vol de gueules et d’argent". Que de belles formules pour un petit écu rouge et blanc ! Mais n'oublie pas Le Peintre, que la tête de lion, ça se porte avant tout au clair de l’œil et non au bout du pinceau.

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