jeudi 21 mars 2013

Les rêves se tarissent



"Et si l'on songe que le bateau, le grand bateau flottant du XIXe siècle, est un morceau d'espace flottant, un lieu sans lieu, vivant par lui-même, fermé sur soi, libre en un sens, mais livré fatalement à l'infini de la mer et qui, de port en port, de quartier à filles en quartier à filles, de bordée en bordée, va jusqu'aux colonies chercher ce qu'elles recèlent de plus précieux en ces jardins orientaux qu'on évoquait tout à l'heure, on comprend pourquoi le bateau a été pour notre civilisation - et ceci depuis le XVIe siècle au moins - à la fois le plus grand instrument économique et notre plus grande réserve d'imagination. Le navire, c'est l'hétérotopie par excellence. Les civilisations sans bateaux sont comme les enfants dont les parents n'auraient pas un grand lit sur lequel on puisse jouer; leur rêves alors se tarissent, l'espionnage y remplace l'aventure, et la hideur des polices la beauté ensoleillée des corsaires."

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