vendredi 28 octobre 2011

Le Navigateur (2)

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La poésie de Kenneth White donne envie de continue à voyager en chambre. Éloge du corbeau, La résidence de la solitude et de la lumière, Premier colloque de l'Académie des Goélands, Lettres de Lotofen, L'être, le néant et une bouteille de rhum sont autant de titres de poèmes qui signalent une littérature de l'ailleurs et du large. On recommande l'anthologie Un monde ouvert (Gallimard, 2006), élaborée par White lui-même et dont on tire l'extrait qui suit. Le dernier voyage de Brendan est issu du recueil Atlantica. On en livre ici les premières strophes :
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"
1
Entendez ci de saint Brandent
qui fu nez devers occident
qui VII ans erra par la mer
por plus douter Dieu et amer...
2
C'était un royaume de pierre
sur la côte ouest d'Erin
où le vent mugissait
où les vagues de l'Atlantique rugissaient
où des hommes étranges erraient et murmuraient :
is é mo drui Crist mac Dé
"mon druite est le Christ, fils de dieu".
3
L'un d'eux avait toujours voulu aller plus loin
Brandan était son nom, un nom
qui contenait la mer, le brisement
des vagues et le souvenir d'un poème
que les anciens récitaient les soirs d'hiver :
"Bran pense que c'est une grande merveille
d'aller en barque sur la mer claire
les yeux de Bran voient les vagues de la mer
les vagues de la mer brillent l'été
aussi loin que voient les yeux de Bran
Bran aime contempler la mer
la mer blanche que fendent les rames..."
4
Il est des hommes toujours prêts
à larguer leurs amarres, des hommes
qui regardent la vie d'un œil froid
et savent tout miser sur un geste
Brandan était de ceux-là
Dieu pour lui était le grand geste
qui avait mis le monde en branle
mais aussi une grande idée voguant à travers l'espace
plus brillante que la lune et le soleil
5
Brandan se construisit une barque
une barque de dix-sept places
sur une carcasse de bois souple
des peaux de bœuf tannées au chêne
qu'il enduisait de résine et de graisse -
une barque légère comme l'oiseau pour parcourir la mer !
quand la barque fut prête, solide et sûre
il rassembla des hommes, et leur dit :
"ceci ne sera pas, croyez-moi, une petite croisière
ce sera la plus folle des folles équipées
sur les bords du monde et plus loin encore
une pérégrination faite au nom du Seigneur
et la promesse d'un martyre blanc."
6
Ils quittèrent l'Irlande, le cap sur le nord
fendant l'eau bleue de leurs rames
dans un grand vacarme de goélands
la traversée était bonne, le rythme régulier
vers l'est s'étendait le pays des collines blanches
ils passèrent Islay et l'île de Tiree
Barra, les Uist, et puis ce fut Lewis
à Lewis ils mirent pied à terre
marchèrent autour des vieilles pierres de Callernish
et reprirent le large
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...."
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