mercredi 2 février 2011

Nada Brahma

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L'intérêt de nombreux musiciens actuels pour le drone ne relève pas d'une mode passagère. Cette forme musicale répond en effet à des aspirations mystiques et esthétiques immémoriales. A ce sujet, on recommande vivement la lecture de l'essai de Marcus Boon intitulé The Eternal Drone. Good Vibrations, Ancient to Future, paru dans Undercurrents. The Hidden Wiring of Modern Music, 2003, pp. 59-69 et lisible ici.
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Avec finesse, l'auteur raconte les origines du drone depuis les temps reculés du Moyen Age où, grâce au chant religieux monodique et à l'orgue, il résonnait dans les espaces immenses des églises et des cathédrales. A partir de la Renaissance, la musique occidentale se complexifie en matière d'harmonie et de rythme et le drone se fait plus discret durant plusieurs siècles. L'intérêt pour les musiques orientales va le remettre peu à peu à l'honneur, notamment durant les années 1960 suite à l'impulsion de La Monte Young.
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Le rôle du soufisme et de l'ouvrage Le Mysticisme du Son de Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan (paru en anglais en 1923) n'est pas non plus à négliger. Un extrait comme celui qui suit permet d'appréhender les ragas de la musique indienne (même si d'autres notions sont indispensables à leur compréhension). "Avec la musique de l'Absolu, la basse, le son fondamental, persiste continuellement; mais à la surface, et sous les différentes clés de tous les instruments de la nature, le son fondamental est caché et adouci. Chaque être, avec la vie, vient à la surface, puis retourne d'où il vient, comme chaque note retourne à l'océan du son. Le son fondamental de cette existence est le plus bruyant et le plus doux, le plus élevé et le plus bas; il submerge tous les instruments d'harmonie douce ou bruyante, haute ou basse, jusqu'à ce que tous, graduellement, se fondent en lui; le son fondamental est toujours et sera toujours."
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Le nom du groupe de La Monte Young, le Theatre of Eternal Music, est, on le voit, fort proche de ces conceptions. Je suis enfin reconnaissant à l'article de Marcus Boon de m'avoir fait découvrir la musique du vocaliste indien Ustad Abdul Karim Khan (1873-1937) (les plus curieux devraient trouver facilement ses quelques enregistrements sur 78rpm). Pour achever et donner une idée de l'enthousiasme que peut soulever cette musique magnifique et sans âge, je laisse la parole à La Monte Young : "Ustad Abdul Karim Khan’s recording of the composition “Jamuna ke tir” in Raga Bhairavi stands as one of the great masterpieces of music. When I first heard the recordings of Abdul Karim Khan I thought that perhaps it would be best if I gave up singing, got a cabin up in the mountains, stocked it with a record player and recordings of Abdul Karim Khan, and just listened for the rest of my life." Et ici, sur l'excellent Excavated Shellac, quelques mots de Ian Nagoski à propos du même chanteur.
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